par fylou Dim 25 Avr - 13:57
Affaire de moeurs
Prostitution de luxe : comment les
footballeurs servent d'écran de fumée
publié le 24.04.2010 04h00
Les premiers éléments d'enquête et la rapidité des fuites montrent que
les joueurs cités dans une affaire de proxénétisme servent à cacher
l'essentiel
Pourquoi et par qui des noms de
footballeurs ont-ils été jetés en pâture aux médias dans une enquête sur
du proxénétisme au cœur des nuits parisiennes ? À qui ces joueurs
célèbres servent-ils d'écran de fumée ? Qui a balancé leurs noms par
intérêt ?
Ces trois questions sont désormais au centre de ce que l'on baptisera
l'affaire du Zaman café. Et surtout pas l'affaire des footballeurs… « Il
n'existe pas d'affaire Ribery. Frank n'a même pas été convoqué. On lui a
dit de passer pour témoigner, il l'a fait. Trois jours plus tard, toute
la presse était au courant. On tirera cela au clair et on communiquera
plus tard », lance d'entrée Sophie Bottai, l'avocate marseillaise de
l'attaquant du Bayern Munich. Thierry Braillard,
défenseur de Sidney Govou à Lyon, reprend: « Mais comment a-t-on pu
citer son nom alors qu'il n'est ni de près ni de loin mêlé à l'affaire ?
»
« C'est absolument stupéfiant. Karim Benzema a appris par la presse
qu'il serait convoqué pour témoigner. Pour le moment, il n'a rien reçu
», s'étonne enfin son conseil lyonnais Me Sylvain Cormier. Ces trois
avocats que nous avons joints hier n'excluent pas non plus l'hypothèse
de l'écran de fumée footballistico-médiatique. Avec de solides raisons.
Aucun de ces joueurs n'est mis en examen. Ils n'ont rien à cacher. Et
pourtant, les noms ont fuité dans les rédactions juste après les
auditions ou… avant pour Benzema. Même dans l'affaire Elf, on n'a jamais
vu une telle porosité entre enquête et salles de rédactions. Les passes
des footballeurs ont été rendues publiques pour détourner juges et
journalistes du but.
Pour le moment, les quatre personnes mises en examen dans l'affaire sont
les deux frères S., gérants du Zaman Café, Abou Sofiane M., un
Rhodanien incontournable dans les nuits parisiennes et son ami Karim R,
proche d'agents de footballeurs et de stars. Ils ont été placés en
détention provisoire, l'un des frères S. ayant été remis en liberté sous
contrôle.
Mais commençons par Zahia D., au départ de l'affaire. Toute l'attention
se focalise autour de la volcanique « call-girl ». Logique. La jeune
Marocaine a déclaré avoir vendu ses charmes aux trois joueurs dès l'âge
de 16 ans et elle apparaît sur une vidéo très chaude d'une émission de
la chaîne NRJ 12 qui a fait le tour du web.
Que lui est-il reproché ?
- La pulpeuse blondinette l'aurait avoué dans sa déposition au juge : sa
poitrine n'est pas naturelle, ce qui apparaît comme une évidence aux
spécialistes des implants mammaires sur la foi des fameuses vidéos ! Ce
détail anatomique devient un délit juridique : de telles opérations sont
interdites chez les mineures. Zahia D. a donc été opérée dans
l'illégalité, probablement ailleurs qu'en France.
- Elle n'aurait jamais dû franchir la porte d'entrée du Zaman Café en
2008 et 2009.
- Ses déclarations sur ses activités de prostituée sont contradictoires.
Elle parle de 20 000 euros de revenus mensuels. Puis de passes à 700 ou
300 euros. Parfois de simples cadeaux. Elle est de toute façon en
fraude : ses revenus ont échappé au fisc (les prostituées s'acquittent
de la TVA) et son activité est restée clandestine jusqu'à cette année.
Qu'ont dit et que vont dire les joueurs ?
Zahia a bien eu une relation assez suivie avec Ribery en 2009, reconnue
par le joueur qui l'a invitée à Munich à ses frais pour son anniversaire
en 2009. Mais elle a quasiment dédouané la responsabilité active du
joueur en déclarant qu'elle lui avait menti sur son âge. Et les autres ?
Sidney Govou a été interrogé 15
minutes pas plus. Comme témoin. Il n'a pas été questionné sur Zahia D.
mais sur… Abou Sofiane, croisé dans quelques soirées à Lyon. Govou le
connaît sans plus. Le jet-setter de 30 ans, originaire de Genas, au
culot monumental et à l'entourage avenant « le faisait rire », dit
Thierry Braillard. Point barre.
Pour Karim Benzema, c'est le contraire. Le Madrilène voit qui est cette
fille rencontrée dans une soirée. « Il le dira très simplement s'il est
convoqué. Mais Benzema n'a jamais mis les pieds au Zaman café, il ne
connaît pas Abou Sofiane ni Karim R. », précise Me Sylvain Cormier qui
ajoute : « Si Karim Benzema a pris un avocat, ce n'est pas pour se
défendre d'accusations qui n'existent pas mais pour être vigilant sur la
façon dont il est cité sur la place publique dans cette affaire ».
Karim Benzema fréquentait d'autant moins Abou Sofiane que ce dernier
était, à Lyon, le grand ami d'Hatem Ben Arfa, lequel, c'est un
euphémisme, ne passait ni ses soirées ni ses vacances avec Benzema. Ben
Arfa en revanche n'a jamais rencontré Zahia D. Elle pourtant est l'une
des grandes amies d'Abou Sofiane.C'est d'ailleurs avec cet ancien
handballeur de Genas, dans le Rhône, qu'elle se trémousse de très près
sur la vidéo de NRJ 12. Le Rhodanien recalé de la nouvelle star (lire
notre édition de jeudi 22 avril) est au centre de l'instruction du juge
Philippe Dando.
Comment s'est-il fait un prénom dans les nuits parisiennes et un carnet
d'adresses chez les people ? « Avec beaucoup de mythomanie et en
arrivant entouré d'une grappe de filles jeunes, sculpturales ou plutôt
sculptées par la chirurgie et peu frileuses comme Zahia D. qui se
jetaient littéralement sur les célébrités abordées par Abou », témoigne
ce proche de l'enquête.
En janvier 2008, Abou Sofiane loue la discothèque l'Etoile, avec 700
invités parmi lesquels Francis Lalanne, Paul-Loup Sullitzer et quelques
stars éphémères de la téléréalité déchues. Le 20 février dernier invité
sur Radio Espace à Lyon, Abou déclare : « Je viens de tourner un second
rôle dans un film qui sera présenté à Cannes ».
Pas de trace de lui dans le moindre film à Cannes où on le croise
néanmoins depuis trois ans entre le Martinez et le Carlton. Dans le même
entretien, il se dit agent du super-ringard de la Ferme célébrités
Mickael Vendetta. « Faux », rétorque la nouvelle icône du people. Zahia
n'a pourtant pas chargé spécialement son ami. Il serait même présenté
comme un intermédiaire qui pour les « fournisseurs » de ce réseau de
jeunes et jolies filles permettait d'approcher noceurs, jet-setters et
autres clients qui ont les moyens de se payer leurs prestations
Car, et c'est là l'élément capital de l'affaire, Zahia n'est pas la
seule à avoir parlé ni à avoir été placée sur écoute par la brigade de
répression du proxénétisme. Selon un spécialiste de ces enquêtes dans
les soirées mondaines fréquentées par des prostituées de luxe qui a été
consulté comme expert dans l'affaire, ces très jeunes filles ont lâché
une bombe nucléaire dans les nuits de la jet-set parisienne.
Lors de la descente de police au Zaman,
pas moins de 18 des « clientes » présentes ont reconnu avoir des
activités régulières de prostitution. Parmi elles, des mineures et de
jeunes majeures. Elles auraient lâché des noms notamment dans le
show-bizz. Du lourd même. Elles auraient aussi cité d'autres
établissements.
La suite de l'enquête annonce donc une plongée dans les nuits
parisiennes. Selon nos informations, « la prostitution ne sera sans
doute qu'un élément d'une affaire à tiroirs ». Quand les enquêteurs
auront trouvé ceux qui ont fait fuiter les noms des joueurs, ils ne
seront pas loin du but.
Enquête Pascal Jalabert
Le Progrès
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