De passage dans les locaux de Francefootball.fr lundi, Jean-Michel
Aulas a laissé la langue de bois aux vestiaires. Dans la première
partie de cet entretien exclusif (la deuxième, sur les transferts, sera
publiée mercredi), le président de l'OL tire le bilan d'une saison
pleine de rebondissements, et prend à sa charge l'élimination en
demi-finale de Ligue des champions face au Bayern. (Photo Presse-Sports)
«Jean-Michel, le président marseillais Jean-Claude Dassier disait il
y a quelques jours que dans la gestion du club, tout était plus facile
avec Didier Deschamps. Que répondriez-vous à la même question avec
Claude Puel ?
Par rapport à l'objectif, Claude est l'homme de la situation. J'ai été
parfois surpris parce que ça n'apparaît pas de manière spontanée et
évidente, mais il est apprécié de ses joueurs, il a une communication
positive par rapport à l'institution et il a de bons résultats. Ce sont
les trois piliers. Il correspond parfaitement à ce que j'étais allé
chercher.
Il a également su évoluer, notamment dans sa méthode avec les joueurs...
Je pense que c'est vrai des deux côtés. D'un côté, Claude a su
s'adapter. Il n'est pas fou, ce n'était pas très marrant de se faire
«déglinguer» tous les jours de manière assez méchante. Ceci étant, les
joueurs se sont aussi rendus compte qu'il n'y avait pas d'espace, et
ils se sont donc adaptés aussi. C'est un curseur qui s'est déplacé des
deux côtés. Il n'a pas eu toutes les facilités dès le début, mais il a
su redresser et prendre en main la situation grâce à ses compétences et
son talent. C'est un très, très bon entraîneur. Ce n'est pas Mourinho,
c'est un autre style, mais c'est vraiment un très bon entraîneur. Et
par rapport au projet qu'on a, on ira au bout avec lui.
Vous avez parlé à plusieurs reprises de cette saison 2009-2010 comme
de la meilleure de l'histoire de l'OL. Mais qu'a-t-il manqué pour aller
au bout en Ligue 1 comme en Ligue des champions ?
Déjà, on est en demi-finale de Ligue des champions, et comme c'est la
première fois, on a eu le syndrome... On l'a analysé et on sait
pourquoi on a perdu. Premièrement, le Bayern était physiquement plus
fort. Naturellement ou pas, ils étaient beaucoup plus forts que nous.
Deuxièmement, c'était leur 21e demi-finale de Coupe d'Europe. Leur 21e
! Nous c'était la première, on arrive dans le dernier carré et moi le
premier, pfff... On s'est dit, c'est super, on peut aller en finale,
mais on avait l'impression d'avoir tout fait.
«Dans l'organisation du match face au Bayern, on a fait que des conneries»
Vous aviez déjà gagné...
Voilà. Et quand on réanalyse ce qui s'est passé avant, on a fait que
des conneries ! Les joueurs sont allés au vert cinq jours, donc ils ont
fait le match cinq fois par nuit, on avait donné trente places par
joueur pour leur famille et leurs amis. On a fait des erreurs
d'organisation, de mise en perspective. C'est nous, dirigeants, qui
avons perdu cette demi-finale.
Dans la façon de faire comprendre aux joueurs qu'il restait encore une marche à franchir ?
L'Inter nous a aussi joué un drôle de tour, parce que si ça avait été
Barcelone en finale, ça n'aurait pas été pareil. Là, le Bayern bat
Manchester en quarts de finale, et dans nos têtes, c'était Manchester,
puis Barcelone... On s'est cru arrivés. On n'a pas mis les joueurs en
condition de livrer encore un combat. On a quand même eu la possibilité
de gagner cette confrontation, notamment entre le moment où Franck
Ribéry est exclu et celui où Jérémy Toulalan l'est à son tour, au match
aller.
Et en Championnat ?
On est quand même passé par des moments difficiles. On est le seul club
à avoir joué aussi longtemps sur les tableaux français et européens, on
a eu énormément de blessés sur la première partie de saison, comme au
moment où on joue le sprint final. Mais surtout, on perd à Marseille le
match qui fait la différence (1-2, 29e j.). Au bout d'une demi-heure,
on doit mener 3-0, il y a deux transversales et un tête à tête. Et là,
l'OM est entré dans son cycle très favorable. Ils ont eu de la
réussite, comme Bordeaux l'an dernier, comme nous les autres années.
«Je préfère voir Marseille champion que Bordeaux»
Mais terminer deuxième reste donc une réussite pour vous ?
Oui, parce qu'on a livré un combat. Il fallait laisser Lille et Auxerre
derrière, il fallait que Bordeaux tombe... Il y a aussi ce match à
Valenciennes (1-1, 37e j.) qui m'a fait péter les plombs, et je le
regrette. Ce n'était pas prémédité et j'ai vraiment pété les plombs
bêtement. Mais on fait une très bonne fin de Championnat. Franchement,
demi-finaliste de la Ligue des champions, deuxième en Ligue 1, ce qui
nous permet de retrouver la C1, c'est vraiment une saison canon ! En
plus, c'est bien que Marseille soit champion. Je préfère que ce soit
Marseille plutôt que Bordeaux, parce que ça prouve que ce n'est pas
facile de gagner plusieurs titres. Et puis l'OM a pris des risques
financièrement. Moins que nous, mais ils en ont pris beaucoup. C'est
une prime à ceux qui prennent des risques, et le football français
progressera comme ça.
La saison prochaine, qui voyez-vous comme le principal concurrent de l'OL en Championnat ?
Ce sera l'OM. Je pense qu'ils vont réinvestir. Margarita (Louis-Dreyfus)
a pris le virus, je l'ai vu lors du 5-5 au mois de novembre (rires). Je
pense que Bordeaux va avoir du mal, malgré l'arrivée de mon ami Jean
Tigana, parce qu'ils risquent de perdre quelques joueurs majeurs. Après
il faut voir, est-ce que Rennes va casser sa tirelire ?
Atteindre le dernier carré européen est un énorme plus en terme d'argent et d'image ?
Oui, je crois que la différence entre un huitième et une demi-finale se
chiffre autour de huit millions d'euros. Plus les recettes des deux
matches à domicile, cela fait douze millions. Mais c'est surtout au
niveau de l'image, puisqu'on a aussi eu la bonne idée d'atteindre la
finale de Ligue des champions avec les féminines. Tout cela montre la
construction du club.
Cette image peut aussi permettre d'attirer ces joueurs qui peuvent faire la différence dans les matches décisifs...
C'est vrai. L'an passé, c'était Lisandro Lopez, Michel Bastos, et Aly
Cissokho. Aujourd'hui, l'image de Lyon est suffisante pour attirer
n'importe quel joueur. Après, ce qui fait la différence, ce n'est plus
l'image, c'est l'argent.»
Propos recueillis par Fred AZILAZIAN et Cédric CHAPUIS
Retrouvez mercredi la deuxième partie de l'entretien avec Jean-Michel
Aulas. Gourcuff, Rémy, Briand, Ben Arfa, Toulalan... Il dit tout sur
les futurs transferts de l'OL.